Histoire et féminismes
Pourquoi les femmes semblent-elles si peu présentes dans l'Histoire ? Quels sont les
enjeux politiques de l’écriture de l’Histoire et de la reconnaissance de la mémoire ?
Cette publication s'interroge sur les usages du passé et la possibilité de trouver dans
l'Histoire des germes d'inspiration pour critiquer le présent et imaginer l'avenir.
Perspective essentielle pour tout processus d'individuation – et pour l'émancipation
des femmes.
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Il
faut rendre leur place aux femmes dans l’histoire. Continuer à tisser la mémoire
de leurs actions. Mais aussi s’attacher à en comprendre le sens et veiller à ce que
ces actions conservent leur pouvoir émancipatoire dans le futur. L’alliance
stratégique entre passé et futur développée par les zapatistes peut nous servir d’exemple pour écrire et penser une histoire des femmes qui
contribue autant à la construction d’une mémoire reconnue qu’à celle d’un levier
de résistance à la soumission.
À nous d’explorer cette nécessité (...). L’histoire peut ouvrir une porte vers la sortie
de l’état de minorité. Cynthia Fleury le souligne dans Les Irremplaçables (2015) : quel
que soit son succès, c’est par sa seule possibilité que la Révolution incarne et
permet l’affiliation originelle des humains avec la liberté. En préservant de l’oubli
ce geste une fois posé, chaque individu saura qu’il est « l’enfant de cette
capacité-là ».
Dans un texte fondateur publié en 1986 dans les Cahier du GRIF, la philosophe belge Françoise Collin a mis en lumière l’importance de la transmission d’un héritage féministe – c’est-à-dire d’un d’héritage de luttes, d’expériences, de savoirs et de pratiques récoltés et amassés par les femmes de génération en génération, mais aussi d’une mémoire du vécu des femmes. La transmission de cet héritage a de nombreuses implications : identitaires, symboliques, politiques. Une dimension fondamentale de la transmission est le rapport qu’elle entretient avec le vivant (ou l’acte d’exister) et l’acte de résister.
Loin de perpétuer des principes aveugles qui seraient autant de camisoles poussiéreuses, la transmission d’un héritage, à condition que celui-ci soit choisi et pensé, sans cesse re-créé, peut initier et soutenir l’acte posé dans le présent, pour l’avenir. La transmission est une impulsion donnée à l’acte créateur. Elle est source de force et de courage. Elle est « un entrainement à être, à commencer, à partir de quelque chose ou de quelqu’un et non le dos au vide ».
Tandis que l’histoire est un « travail rétrospectif, travail d’excavation et de résurrection de ce qui a été et qui est indûment enfoui », la question de la transmission est une question posée à la pratique éthique et politique : « il s’agit de constituer dans le présent les conditions de possibilité d’une filiation symbolique des femmes, à laquelle tout le système socio-culturel fait résistance » (Collin F., « Un héritage sans testament », in Les cahiers du GRIF, vol. 34-1 (1986), p. 86).